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Vendée Globe - Jour 52

29.12.2020


Décidément, les lendemains de Fêtes, ce n’est pas mon truc ! Il y a 4 ans, je percutais un OFNI le 2 janvier et là j’ai un nouveau souci hydraulique le lendemain de Noël. J’en rigole, mais ce nouveau coup dur n’a pas été simple à surmonter. J’ai passé les mains dans l’huile de 4 à 17h (heure française), un peu au bout de ma vie, à craindre de devoir faire une escale technique, ou pire… 

Je ne pouvais plus penduler ma quille, donc on a eu peur que le vérin ait pris un coup. Si c’était ça, c’était la merde, car ça voulait dire que le deuxième n’allait pas tarder à lâcher aussi à force d’encaisser tout seul tous les efforts. Il a donc fallu mettre la course entre parenthèses pour trouver, vite, une solution. Vite, parce que j’étais en train d’entrer dans le Pacifique, bientôt au beau milieu de nulle part et que ça aurait été un peu chaud de traverser le plus grand océan du monde avec un seul vérin et la quille dans l’axe… Surtout que ce n’était pas juste le Pacifique à traverser, mais bien un demi tour du monde à boucler. 

Mon équipe à terre s’est tout de suite mise en mode « crise » pour m’aider à identifier le problème et trouver une solution. Au-delà d’être d’une redoutable efficacité technique, en concertation avec le constructeur des vérins, ils ont su m’épauler et me donner la force de tenir bon. Un grand merci.à Cyril mon Boat Captain et à Michel de chez Hydroem. Car à force de rebooter le système hydraulique et d’essayer encore et encore de ré-enclencher le quillage, j’ai fini par faire re-fonctionner tout ça, d’abord lentement puis de plus en plus rapidement. J’ai attendu quelques heures de voir si la quille restait en place, sans perdre de pression et ça a bien tenu. Il a fallu ensuite reprendre confiance dans tout ce système avant de ré-attaquer sereinement. J’ai eu un gros moment de doute, ça fait quand même deux soucis du même genre depuis le départ et je ne suis qu’à la moitié du chemin… J’aimerais bien savoir d’où ça peut venir. Pour être honnête, j’ai un peu peur que ça foire encore et la route est encore très longue, avec de belles dépressions qui m’attendent donc pas envie que ça m’arrive dans 50 noeuds. J’en suis presque venu à regretter le système de palans de Superbigou ! C’était physique mais au moins c’était fiable ! 

C’était moins dangereux que de changer mon safran en 2016 mais je n’ai quand même pas fait le malin. Il m’a donc fallu quelques temps pour me remettre de cette journée chargée en émotion, surtout que j’ai eu droit à une deuxième journée de travail à tout nettoyer. C’était de nouveau l’horreur dans le bateau : de l’huile partout, le fond et le plafond du puits de quille brille tellement que je me vois dedans ! On aurait dit un bateau de pêche… La Fabrique avait une nouvelle âme, une espèce de cachet des années 1900. Ce n’était plus possible ! J’en ai profité pour me laver la barbe et les cheveux car j’avais moi aussi de l’huile partout. Je ne suis pas sûr de ne plus du tout en avoir mais c’est un début ! C’est important de prendre soin du bonhomme, ça fait du bien aussi. 

Derrière c’est revenu fort, en plus de ma pause technique, j’ai de moins en moins de vent quand ils en avaient de plus en plus. Il y a de fortes chances qu’ils reviennent à mon niveau mais c’est comme ça. De toute façon, je vais me faire bloquer devant donc même si j’allais à 35 noeuds ça ne changerait rien. 

Le moral reste bon, stable, malgré la fatigue et l’énergie dépensée. Je pense que j'ai eu une (longue) mauvaise phase en première partie de course, mais aujourd'hui je me suis fait une raison. Et je suis simplement heureux d’être encore en course. Donc tant pis pour le classement, je dois naviguer proprement jusqu'à la fin et profiter de chaque instant de cette merveilleuse aventure. 



Image d'illustration © Christophe Breschi / La Fabrique



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