De Nice à Gênes, pour la première fois depuis le début de l’épreuve, l’équipage de Team AMAALA était composé de marins qui avaient déjà tous au moins une étape dans les pattes. De quoi se sentir encore mieux à bord et de mesurer les progrès accomplis depuis le départ.
Après une épique étape entre Carthagène et Nice, Alan Roura n’a pas eu le temps de souffler. Arrivé vendredi soir pour mieux repartir dimanche en fin de journée, le skipper du Team AMAALA devait pourtant compter sur le même équipage pour rallier Gênes, lors de l’étape 4. Mais Rebecca Gmuer sollicitée sur un autre projet, il a de nouveau fallu faire tourner. Il a ainsi rappelé Lucie De Gennes, qui avait déjà participé au premier round entre Kiel et Portsmouth, début août. Une modification qui n’a donc eu aucune conséquence sur l’expérience présente à bord. Et c’est sans doute là le meilleur des indicateurs pour souligner que si le bateau suisse navigue en 7e position au classement général, il n’en finit pas d’épater la galerie tant sa courbe de progression est linéaire. « On se sent de mieux en mieux à bord et il n’y a qu’à voir les photos et les vidéos pour le constater », témoigne Mathis Bourgnon, qui a enchaîné deux étapes.
Il est vrai qu’entre tempête et pétole, s’il y a bien une chose qui ne quitte jamais les visages des skippers comme celui des équipiers, ce sont les larges sourires qui disent tout le bonheur que procure cette course pas comme les autres. « J’ai parfaitement retrouvé mes marques malgré les rotations, poursuit l’héritier de la famille Bourgnon. À titre personnel, j’ai senti une progression par rapport à l’étape précédente. Physiquement, j’ai beaucoup mieux géré cette fois car je m’étais cramé lors des 24 premières heures sur l’étape 3. Sans doute avec l’envie de trop bien faire pour ma première ! Là, j’ai mieux respecté les quarts et la gestion du sommeil a été meilleure également. Du coup, je me suis senti encore plus à l’aise dans les timings, les manœuvres, les prises de décision. »
Mathis Bourgnon s’inscrit donc parfaitement dans le plan mis en place par l’équipe. Être meilleur, bord après bord, jour après jour et étape après étape. Peu importe la place que l’on occupe à l’arrivée au ponton, pourvu qu’il y ait la satisfaction de la progression collective et individuelle. « La meilleure preuve de confiance que j’ai reçue sur cette leg 4 c’est lorsque j’ai proposé à Alan, qui était vraiment cramé, d’aller se reposer et qu’il a accepté tout en me confiant la responsabilité du bateau à ce moment-là. Ça a été vraiment fort comme moment. »
Un capitaine d’un quart qui compte encore ses nuits en IMOCA sur les doigts d’une main, c’est aussi cela l’essence du projet lancé par Alan Roura, Simon Koster et Elodie Mettraux. Une école du large pour les marins suisses en devenir, un accès au professionnalisme le plus poussé et exigeant, qui a été rendu possible après un travail titanesque accompli en trois mois seulement. Et à voir comme personne ne lâche jamais rien, même quand les temps sont un peu plus durs, on réalise que chacun au sein du Team mesure la chance qui lui est donnée d’être là. De se battre - et tant pis si ce n’est pas tout à fait à armes égales - avec certains des plus grands marins de la course au large.
De retour à bord, Lucie de Gennes a elle aussi pu mesurer le chemin parcouru depuis le départ mémorable de Kiel. « J’ai pu noter un gros step sur le bateau avec davantage de fluidité en ce qui me concerne. Tout commence à être plus automatique et ça, c’est vraiment chouette. Le fait de pouvoir naviguer avec trois nouveaux partenaires est une chance. On multiplie les visions, les regards et les échanges pour progresser encore plus. Je me suis sentie beaucoup plus au point sur la météo et le routage que lors de la Leg 1. Mentalement, cette quatrième étape a été plus difficile car la météo en Méditerranée est vraiment compliquée et parfois cruelle, quand le bateau qui est juste à côté touche du vent et s’en va alors que nous, on reste plantés. Nous n’avons pas eu énormément de réussite mais après chaque moment un peu dur, nous avons aussi réussi à nous re-mobiliser et à revenir au contact. »
La dernière ligne droite entre Gênes et les Bouches de Kotor doit une fois encore servir de laboratoire pour valider les acquis, et aller chercher un ou deux bateaux comme on poserait une cerise sur gâteau. Les étapes 3 et 4 ont ouvert le champ des possibles, avec une trace de qualité et des choix judicieux qui ont permis au Team AMAALA de régater parfois au contact de bateaux plus rapides, comme Malizia ou Be Water Positive. Et quand les écarts deviennent une question d’heures ou de minutes plutôt que de jours, c’est que l’équipe est sur la très bonne voie !
Photo © Jean-Louis Carli /TORE 2025