L’équipage d’Alan Roura s’est classé 7e de la 2e étape dimanche soir, en coupant la ligne d’arrivée à Carthagène à 22h10 (heure suisse). Toute la flotte de The Ocean Race Europe était présente pour saluer la jeune équipe suisse, qui ne laisse personne indifférent.
Il y en aura pour tous les goûts. Il y en aura pour tout le monde. Il est écrit que pour le Team AMAALA, l’Ocean Race Europe doit servir de tremplin formateur pour la “Next Gen” de la voile suisse. Et chaque étape offre son lot d’apprentissage grandeur nature pour des jeunes marins qui, pour certains, n’avaient pas encore passé une seule nuit en mer, en course, sur un IMOCA. Sur l’étape numéro 2, de Portsmouth à Carthagène, en passant par le fly-by de Matosinhos - Porto, la jeune garde n’a pas été déçue. Arrivée dimanche soir en Espagne en 7e position, Le Team AMAALA a eu droit à un accueil digne d’un vainqueur de la part du public et des autres équipes, toutes présentes sur le ponton. Une ambiance festive qui souligne sans doute la performance humaine réalisée par la jeune équipe bâtie autour du skipper Alan Roura.
Il faut dire que le projet suisse ne laisse pas indifférent. Mis sur pied en à peine deux mois, le Team AMAALA est un tour de force et chaque jour passé en mer est à prendre comme une victoire qui permet de voir au-delà du seul horizon de The Ocean Race Europe.
Rappelons que le projet lancé par Alan Roura, Simon Koster et Elodie Mettraux n’est que le début d’une aventure qui doit conduire cette jeune équipe jusqu’au tour de monde de 2027. C’est donc à une course dans la course que participent les marins qui ont été sélectionnés au mois de juin dernier, après un appel à candidature et une phase de test en Suisse et à Lorient. Responsable performance de cette "sélection nationale", Alexis Landais, préparateur mental d’Alan Roura, tire un premier bilan à l’issue de cette deuxième étape. « Jusqu’à présent, on peut dire que nous ne nous sommes pas trompés sur le choix des profils, se réjouit-il. Sur le plan humain et sportif, il y a de très belles satisfactions malgré les difficultés rencontrées au niveau du classement. Ce qui, soit dit en passant, n’est pas une surprise. »
Au premier rang de la colonne des points très positifs, c’est la parfaite intégration des novices dans la gestion du bateau. « Que ce soit sur la première ou la deuxième étape, le monocoque termine dans un état impeccable à l’arrivée, poursuit Alexis Landais. Cela peut paraître banal mais ça ne l’est pas car le timing de préparation était plus que serré et que ces bateaux sont très complexes. Cela signifie qu’aucune, ou alors très peu, d'erreurs ont été commises par l’équipage qui a appris vite et bien. Tout le monde savait très bien naviguer avant de rejoindre le projet et l'acclimatation de chacune et chacun à un univers technique totalement nouveau est réussie. À tel point que chacun a pu apporter sa vision et proposer des choses. »
Depuis le départ de Kiel, le 10 août, Team AMAALA n’a pourtant pas été ménagé. Mais toujours avec intelligence, et la conscience qu’il ne sert à rien de vouloir en faire trop. « Avec un bateau moins rapide, on subit davantage la course qu’on ne la maîtrise, rappelle Alexis Landais. L’erreur serait de vouloir trop tirer sur la corde, de surjouer en quelque sorte. Avoir été capable de ne pas se perdre alors que l’élastique s’était tendu est là aussi une très belle preuve de caractère. » Des esprits sains dans un bateau sain, à défaut d’être les plus rapides, tel est le credo du Team AMAALA.
Présent sur cette deuxième étape, Guillaume Rol, 27 ans, a vécu son baptême du feu en IMOCA. C’est peu dire que le Genevois a été servi. « On ne va pas se mentir et dire que tout a été simple, sourit-il dans l’euphorie de l’arrivée au ponton. Je pense que chacun de nous a connu, à un moment donné, une petite baisse de moral. Mais à chaque fois, on a pu compter les uns sur les autres pour très vite retrouver une bonne dynamique et ça, sur le plan humain, c’est génial. »
« Il n’y a qu’un seul moment qui a été très compliqué pour tout le monde, avoue-t-il. C’est lorsque nous avons quitté l’alizé portugais après une nuit magnifique avec du vent, où enfin ça avançait ! Et une fois encore, on s’est retrouvés dans la molle et on savait que ça allait être comme ça jusqu’à l’arrivée. Collectivement, on a tous pris un coup de mou. On s’est un peu perdus dans les quarts… En début d’après-midi, on a fait un point tous ensemble et on est repartis de plus belle sans rien lâcher, jusqu’à la fin. »
La trace, de Gibraltar à Carthagène, est belle. Elle a été réalisée par un équipage qui a su tirer le meilleur du pire. « C’est dans la difficulté que l’on grandit, rappelle Alexis Landais. Ils arrivent fatigués mais ils arrivent aussi en étant meilleurs à la fin qu’au début. Que ce soit sur le plan sportif et, surtout, sur le plan humain. Tous ces progrès sont d’autant plus réjouissants qu’ils s’inscrivent dans un projet à long terme. En Formule 1, quand tu as une monoplace de fond de grille, tu ne t’attends pas à gagner des courses et tu sais que tu ne finiras pas la saison devant. Mais en revanche, l’idée c’est de devenir un meilleur pilote au fil des Grand-Prix. »
Un meilleur pilote, un meilleur marin, une meilleure personne. « C’est exactement mon ressenti, témoigne l’autre néophyte de cette deuxième étape, Jessica Berthoud. Cette semaine en mer a été d’une incroyable richesse. Il y a eu des hauts, très hauts, et des bas, très bas. Mais toujours quelqu’un qui était là pour aider l’autre à rebondir. C’est tellement cool d’avoir la chance de vivre ces instants en mer et de si bien s’entendre avec les quatre autres personnes avec qui tu partages ces moments-là. C’était long, c’était difficile parfois, mais c’était tellement génial que je n’avais presque pas envie d’arriver! »
La benjamine de l’équipe aura droit à un peu de répit avant de mieux revenir, puisqu’elle cédera sa place sur les deux prochaines étapes - elle sera de nouveau à bord lors de l’étape finale entre Gêne et Kotor au Monténégro. Le tournus se poursuit en effet sur Team AMAALA, avec déjà le départ de l’étape 3, ce mardi après-midi, de Carthagène à Nice, qui s’annonce courte et nerveuse. Seul Alan Roura sera encore de la partie, désormais épaulé par son ami Conrad Colman comme co-skipper. Un duo de choc qui sera complété par Rebecca Gmuer et Mathis Bourgnon, également présent de Nice à Gênes. Là encore, il s’agira pour ces deux jeunes marins d’une grande première en IMOCA en course de haut niveau. Et l’occasion de progresser à tous points de vue.
Image © Vincent Curutchet / The Ocean Race Europe