La Swiss Offshore Team, “Nati” de la course au large, se dévoile après deux semaines de sélections aussi intenses que méticuleuses. Une première session à Genève, et une autre à Lorient, plus de 40 dossiers reçus et sept marins sélectionnés pour participer à The Ocean Race Europe cet été. Quatre garçons et trois filles, tandis que Simon Koster et le Néo-Zélandais Conrad Colman se relaieront en tant que co-skippers d’Alan Roura.
C’est une course contre la montre qui s’est enclenchée pour Alan Roura et son équipe. Un challenge majuscule, pour être au départ de The Ocean Race Europe, le 10 août à Kiel. « On peut dire que la période est intense, mais c’est justement ça qui est fabuleux, confie le skipper de 32 ans. On est engagé dans un processus où chaque minute compte depuis que nous avons lancé ce nouveau projet d’équipage avec AMAALA. Il a fallu travailler sur le bateau, le remettre en configuration course, le décorer avec ses nouvelles couleurs - je peux vous dire qu’il va être superbe - pour une remise à l’eau prévue la semaine prochaine. Et l’autre gros dossier, celui que nous venons d’achever, a été celui de la sélection des équipiers qui embarqueront cet été. Je suis hyper fier d’être capitaine, avec Simon et Elodie, de tous ces talents suisses qui ont répondu à notre appel. »
Le 3 juin dernier, Alan Roura, Simon Koster et Elodie Mettraux lançaient un premier appel à candidatures pour intégrer la Swiss Offshore Team, équipage suisse qui participera à la première épreuve du nouveau calendrier IMOCA en équipage. En moins de deux semaines, ce sont plus de 40 dossiers envoyés qui ont été étudiés par les trois marins et leur équipe, dans le but de présélectionner un certain nombre de candidats, ensuite invités pour deux phases de sélection officielle. 40 profils de qualité, 10 femmes et beaucoup de diversité, exactement ce qu’Alan Roura appelait de ses vœux. « À la base de ce projet, il y a cette volonté de transmission, explique le triple finisher du Vendée Globe. Notre démarche est très différente des autres équipes, puisque nous n’avons pas choisi de faire appel à des marins habitués à naviguer en IMOCA. Pour la plupart de ceux qui nous rejoignent, ce sera une découverte. Mais c’est cela qui va être passionnant, car toutes celles et ceux que nous avons choisis sont déjà de très bons navigateurs dans des domaines très éclectiques. Il y a ceux qui viennent du circuit Mini 6.50, déjà habitués au large, et il y a ceux qui ont jusqu’à présent suivi un cursus plus typé régate, sur le lac ou dans les classes olympiques, et qui rêvaient de voir autre chose. » « C’est top de voir qu’autant de personnes ont répondu, de voir que le projet intéresse, abonde Simon Koster. Cela montre que les gens sont motivés et qu’il y a une vraie demande pour ce genre de programme. »
Une quinzaine de candidats ont ainsi été reçus ces dernières semaines, afin d‘être passés au scanner. Au programme : tests en navigations, évidemment. Tests physiques aussi, très intenses, sous la houlette de Kilian Philippe, autant pour jauger la “caisse” des marins que leur capacité à repousser leurs limites. Tests psychologiques, ensuite, rondement menés par Alexis Landais, préparateur mental d’Alan Roura depuis plusieurs années, et qui officie comme Directeur de la performance humaine au sein du TEAM AMAALA pour The Ocean Race Europe. Le Français, qui a travaillé avec nombre de marins de haut niveau, n’a pas son pareil pour déceler la faille cachée ou la qualité enfouie d’un candidat.
« Il ne s’agissait pas de choisir uniquement les meilleurs régatiers et régatières, mais aussi celles et ceux qui donneront le meilleur d’eux-mêmes pour le bien de l’équipe, souligne Alan Roura. Que ce soit en mer, bien sûr, mais aussi à terre lors des escales. The Ocean Race Europe est une course très intense et il faut vraiment que la cohésion soit impeccable, car l’équilibre d’une équipe peut être fragile. Nous n’avons donc rien laissé au hasard lors des phases de sélection. »
« L’objectif était de comprendre comment chacun fonctionne, précise Alexis Landais. On n’est pas sur un tri sélectif mais plutôt sur une ouverture d’esprit pour chercher les profils les plus compatibles entre eux, les plus intéressants pour un projet collectif. Et ceux qui ont aussi une marge de progression, à court et moyen terme. » Et Simon Koster d’insister sur la difficulté de la tâche : « Ce n’est jamais simple de choisir des gens, entre des profils qui ont déjà de l’expérience en Mini, d’autres qui viennent de la régate à très haut niveau, des jeunes très prometteurs… Faire le bon mix n’est pas toujours simple, mais c’est un exercice intéressant ! »
Le comportement face aux médias, enfin, a lui aussi été testé, face caméra, ou micro sous le nez, car dans l’univers médiatique de la course au large, il faut savoir rester naturel et avoir des choses à dire. « En voile en général, et peut-être encore plus sur une épreuve comme The Ocean Race qui demande beaucoup aux équipes en termes de communication, la capacité à savoir s’exprimer et à représenter les valeurs de l’équipe est essentielle », explique Alan Roura.
Sept espoirs de la voile suisse ont finalement été retenus pour The Ocean Race Europe. Trois filles, Jessica Berthoud, Rebecca Gmuer et Lucie De Gennes, et quatre garçons, Félix Oberle, Guillaume Rol, Mathis Bourgnon et Yann Burkhalter composeront donc l’équipage du TEAM AMAALA sur The Ocean Race Europe 2025, aux côtés de trois co-skippers expérimentés que seront Alan Roura, Simon Koster et Conrad Colman.
« Vu le timing serré, il a fallu aller à l’essentiel, et cela a forcément pesé dans nos choix, explique Simon Koster. Certains profils n’ont pas été retenus pour cette année, mais si le projet parvient à s’écrire dans la durée, il y aura toujours de nouvelles opportunités pour intégrer l’équipage pour les prochaines saisons. »
Les trois navigantes se partageront à minima la place qui leur revient, puisque The Ocean Race impose la présence d’une équipière féminine à bord pour chaque étape. La Franco-suisse Lucie de Gennes, qui prépare les JO de Los Angeles en 470, ainsi que Jessica Berthoud et Rebecca Gmuer, toutes deux suisso-néo zélandaises, ont fait l’unanimité. Pour Jessica, 23 ans, l’histoire est particulièrement belle, puisqu’elle vogue plus que jamais sur les traces de son papa “Canard”, équipier de Pierre Fehlmann à l’époque des Whitbread qui ont forgé la première génération de marins hauturiers suisses. « Avec ma mère, ils se sont rencontrés sur cette course, explique-t-elle. Il fallait bien que j’y participe un jour ! »
Chez les sélectionnés garçons, les belles histoires de transmission de témoin sont également légion. Avec bien sûr, la présence au sein du TEAM AMAALA de Mathis Bourgnon, fils de Yvan et neveu de Laurent, grandes figures du large des années 1990 et 2000. Tout comme un autre sélectionné, l’Argovien Félix Oberle, le fils Bourgnon se prépare pour la Mini Transat 2025. Yann Burkhalter, lui aussi “Born in Mini” et Guillaume Rol, visage bien connu de la régate lémanique depuis son plus jeune âge, ont eux aussi eu « envie de contribuer à cet élan, d’en faire partie. » « L’avantage d’une course comme The Ocean Race, c’est son format fait d’étapes et d’escales qui s’inscrit parfaitement dans notre philosophie de transmission, précise Alan Roura. Cela nous permettra de faire un maximum de rotations et de tester pas mal de configurations. En lançant tardivement le projet, il a aussi fallu composer avec les agendas des uns et des autres, pour trouver des solutions compatibles sur la durée. »
Le Genevois, qui s’alignera sur toutes les étapes, sera par ailleurs accompagné de son co-skipper Simon Koster sur la première partie du parcours, tandis que Conrad Colman prendra le relais en Méditerranée et en mer Adriatique. Là encore, le choix a été des plus naturels. Le Suisse-allemand connaît Alan depuis plus de dix ans, navigue avec lui depuis trois ans et est lui aussi à l’initiative de cette équipe suisse de course au large, avec Elodie Mettraux. Cette dernière désormais engagée sur le circuit Ocean Fifty, toujours impliquée dans le projet mais indisponible pour les étapes de cet été, il fallait alors trouver un second co-skipper expérimenté en IMOCA. Plus qu’un simple partenaire de ponton, le double finisher du Vendée Globe Conrad Colman partage le même amour véritable pour les océans et le large, et fait partie des amis proches du skipper. « C’est le “parrain par alliance” de mon fils, précise Alan Roura. Je lui donne les clés du bateau les yeux fermés car je sais qu’il en prendra soin comme personne. » C’est donc un Néo-Zélandais, qui s’est éloigné des circuits traditionnels de la Coupe ou de l’Olympisme, qui complète cet équipage 100% Suisso-Kiwi : « Avec Rebecca et Jessica qui ont la double nationalité, la venue de Conrad était en plus un joli clin d’oeil », glisse dans un sourire Alan Roura.
Une phase intense d’entraînements débutera alors une fois que le bateau sera remis à l’eau, mardi 8 juillet. Des navigations quasi quotidiennes, au rythme des remises en route techniques nécessaires en à peine un mois de préparation post-remise à l’eau, pour appréhender la vie à 5 sur les IMOCA (quatre marins et un “Onboard Reporter”). Trois semaines d’entraînements qui ne seront pas de trop pour se présenter à Kiel sur la ligne de départ avec la ferme intention de tout donner, pour mieux progresser, sur le plan individuel, bien sûr, mais surtout en tant qu’équipe. « Ce sont des gens qui réfléchissent bien, qui savent faire du bateau, conclut Simon Koster. J’ai hâte de les voir évoluer sur un IMOCA, voir comment on navigue ensemble et ce qu’ils vont pouvoir nous apporter. »
Skipper : Alan Roura, 32 ans, Suisse
3 Vendée Globe - 2 Route du Rhum - 4 Transat Jacques Vabre - 1 record de l’Atlantique - 1 Mini Transat
Co-skipper de Kiel à Carthagène : Simon Koster, 36 ans, Suisse
3 Mini Transat - 1 Route du Rhum - 3 Transat Jacques Vabre
Co-skipper de Carthagène à Boka Bay : Conrad Colman, 41 ans, Néo-Zélandais
2 Vendée Globe - Vainqueur de la Global Ocean Race 2012 - 1 Route du Rhum - 1 Mini Transat
Équipiers :
Remplaçants :
Félix OBERLE : « Depuis 3 ans, je vis à Lorient pour mon projet Mini. Quand j’ai vu naître ce projet de Swiss Offshore Team, ça m’a donné envie de m’inscrire et de tenter les sélections. Ce qui m’attire, c’est le bateau, la course, le voyage, le fait de pouvoir voir toute l’Europe ! C’est la combinaison entre régate et apprentissages. »
Lucie DE GENNES : «Je me prépare pour les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 et en parallèle, j’ai ressenti le besoin d’explorer un autre terrain de jeu : le large. Ce projet de la Suisse Offshore Team, porté par Alan, Simon et Elodie, m’a tout de suite parlé. Il y a peu de passerelles entre l’olympisme et la course au large — et justement, ça me donne encore plus envie de foncer. »
Guillaume ROL : « Ce projet suisse m’a séduit parce qu’il rassemble justement cette ambition de développer la course au large en Suisse. On sent une vraie dynamique, avec des talents confirmés comme Alan ou Justine Mettraux, ou des jeunes comme Joshua Schopfer qui performent. J’ai envie de contribuer à cet élan, d’en faire partie. »
Jessica BERTHOUD : « Quand j’ai vu passer l’appel à candidatures de la Suisse Offshore Team, je n’ai pas hésité longtemps. J’avais envie de voir si j’étais à la hauteur, si j’avais le profil pour embarquer dans cette aventure. Ce que je peux apporter à l’équipe ? De la motivation, une vraie envie d’excellence… et beaucoup de bonne humeur. »
Mathis BOURGNON : « The Ocean Race Europe, c’est vraiment courir avec les meilleurs, contre les meilleurs, et rien que ça, ça n’a pas de prix ! La rigueur propre à ces bateaux et à ce circuit m’attire beaucoup, et j’ai la chance d’avoir un profil assez complet, une diversité de compétences, entre expériences en Mini, en catamaran offshore dans des conditions extrêmes, ou en Easy to Fly 26, un circuit olympique très exigeant. Cela m’apporte une sérénité en mer et une bonne cohésion d’équipe. Je pourrais même amener ma recette de fondue sur le bateau ! »
Yann BURKHALTER : « L’IMOCA m’attire beaucoup, c’est un bateau incroyable, un rêve de naviguer dessus. L’équipe suisse, ça m’a tout de suite parlé. On a eu les Fehlmann à une époque, et depuis un moment il n’y a plus vraiment de grosse équipe suisse, donc ce projet m’a séduit ! Je pense pouvoir apporter à l’équipe une bonne connaissance technique du bateau, une expérience du large, et je suis quelqu’un qui aime bien travailler en équipe ! »
Photo © Jean-Guy Python