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Bienvenue dans les 40èmes « mollissants »

04.12.2020


Officiellement passé sous la latitude 40° Sud depuis qu’il a laissé l’île de Gough à tribord, mardi, Alan Roura n’en finit pas de rester «  empétolé » dans un anticyclone de Sainte-Helène de plus en plus tentaculaire. S’il devrait doubler le premier des trois grands caps de son tour du monde en solitaire ce week-end, le skipper de La Fabrique n’en a pour autant pas terminé avec la « molle », le début du grand Sud restant encore loin de sa réputation de « royaume de l’ombre ». 

Qu’il fut difficile à atteindre, ce 40ème parallèle sud. Et que ces 40èmes sont loin de tenir leurs promesses ! Dans des vents qui n’ont, pour l’heure, rien de « rugissants », Alan Roura ne peut que ronger son frein. Lui qui se réjouissait de retrouver les mers du Sud, dont il avait gardé un incroyable souvenir lors de sa premier participation en 2016, affiche en effet une intense déception. « J’ai l’impression de faire le tour du monde à l’envers, déplore le skipper de La Fabrique. Entre la molle et le près, j’ai dû avoir cinq jours de réel plaisir depuis le départ, dans de belles conditions… » Le constat est sévère, mais au regard de trois premières semaines de course particulièrement laborieuses, le marin avait bien le droit de se réjouir de toucher enfin des airs plus adaptés aux performances de sa monture. En vain : « Tu pars avec l’expérience d’il y a quatre ans en te disant que tu vas pouvoir faire avancer vite ton bateau et en fait, ce n’est pas du tout ce que tu retrouves. Rien à voir avec le début de course que j’ai connu en 2016, où je m’étais fait cueillir par une violente dépression et avais enchaîné les surfs dans des tempêtes aussi hostiles que sublimes. Là, je me tape toutes les molles depuis le début, en tout je me serai bouffé trois fois l’anticyclone en deux semaines ! On est loin de l'ambiance ‘tempêtes des mers du Sud’, je ne peux pas pousser mon bateau alors que je sais qu’il va vite. Et si je regarde à long terme, je risque d’avoir toute une première moitié de grand Sud anticyclonique, sans dépression digne de ce nom d’ici le Pacifique. Alors que les autres sont sur un tapis roulant… » Hormis la tristesse de ne pas avoir encore eu droit à une « vraie dépression du Sud », le jeune navigateur, revenu cette année en tant que compétiteur, regrette donc également de ne pouvoir jouer le rôle qu’il espérait au sein de la course. « C’est dur de se dire que tu te prends tous les murs alors que devant, ils n’en ont pas », ajoute-t-il, tout en relativisant : « Je pourrais me plaindre tous les jours, c’est sûr, car ce n’est pas du tout ce que j’espérais de cette course. Mais j’essaye de garder le moral, de me dire que je ne suis pas seul dans cette situation et que d’autres, encore moins chanceux, ne sont déjà plus en course. » 

Bientôt l’Indien

Toujours en course - et c’est bien là l’essentiel -, Alan s’efforce donc de conserver son rang en fin de premier peloton. Mais, de plus en plus distancé par ses anciens compagnons de route, le Genevois se fait malheureusement remonter par le groupe de derrière et naviguait même, ce jeudi, bord à bord avec Stéphane Le Diraison (Time for Oecans). « Ça avance, je navigue toujours dans une forte houle, La Fabrique ne marche plutôt pas mal depuis ce matin, raconte-t-il. Cette nuit en revanche, c’était très compliqué : je n’ai pas beaucoup avancé et le vent n’arrêtait pas de tourner. Heureusement que je ne me trouvais pas plus près de la zone des glaces, autrement c’était sûr que je me la prenais. ». Cette Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA), couronne virtuelle interdite en raison de la présence d’icebergs détectés par l’organisation de course, complique en effet encore la tâche aux coureurs. « On aurait parfois envie d’aller un peu plus Sud, pour aller chercher des vent plus portants ou au contraire, éviter un système météo dangereux, explique Alan. Là, on se retrouve un peu bloqués dans un couloir étroit, sans aucune échappatoire. » Il faudra donc encore s’armer de patience à bord de La Fabrique, avant de pouvoir « tirer dedans ». Car tel était l’objectif d’Alan Roura au départ : profiter de la fiabilité de son bateau pour tenter de faire la différence. Quand certains skippers à la barre de bateaux de dernière génération seraient forcés de lever le pied, Alan pourrait, lui, pousser sa machine éprouvée. Lorsque certains bizuths brideraient quelque peu leurs ardeurs au moment du grand saut vers l’inconnu, Alan serait lui plus à l’aise pour « lâcher les chevaux », dans des mers qu’il connaît déjà et sait comment aborder. Tout en restant toujours prudent : « Ma course a bien failli s’arrêter il y a quatre ans, lorsque mon safran a été arraché suite à une collision avec un OFNI, entraînant une importante voie d’eau à bord de mon bateau. Il y a toujours une appréhension particulière à entrer dans le grand Sud. » Grand Sud qu’Alan devrait malgré tout retrouver prochainement, avec un passage du cap de Bonne Espérance possible dès ce samedi après-midi. Pour les conditions habituelles de l’océan Indien et avoir, enfin, l’occasion de faire bon usage de sa précédente expérience autour du monde et de toucher les gains de son pari de miser sur un bateau moins rapide mais plus robuste… il faudra encore attendre.

Photo © Alan Roura / La Fabrique - #VG2020



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